Alors que la communauté internationale semble approuvé la démarche de Lomé à organiser un référendum dans le cadre des réformes constitutionnelles, les contestations ne faiblissent pas. Ce 5 octobre, de nouvelles manifestations sont organisées dans les rues pour dénoncer la démarche du pouvoir de Lomé. C’est dans ce contexte que nous vous proposons cette tribune u président de « Bâtir le Togo », Me. Jean Yaovi Dégli. Il livre son analyse sur cette actualité brulante au Togo.
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Me Jean Yaovi Dégli
Me Jean Yaovi Dégli

[La lutte pour les réformes constitutionnelles et institutionnelles prévues par l’Accord Politique Global (APG) depuis août 2016 et que les acteurs politiques togolais n’ont pas réussi à mettre en œuvre à ce jour par pur manque de volonté politique semble désormais orienter les Togolais vers un référendum. Quels sont les tenants et les aboutissants d’un tel référendum et dans quel cas sera-t-il bénéfique au Togo en servant à l’apaisement ? C’est à ces interrogations que nous voulons essayer de répondre dans cette analyse. Mais avant de nous pencher sur le sujet principal de cette réflexion, essayons de faire une petite digression pour ébaucher une analyse sur un événement qui a dû surprendre plus d’un togolais. Il s’agit de la période où aurait été préparé l’avant-projet.

Sur la Date de l’Avant-Projet du Gouvernement

Le mardi 19 septembre 2017, devant l’incapacité du pouvoir à trouver une solution médiane et consensuelle avec l’opposition, le parlement togolais a, dans une composition monocolore, adopté le projet de loi soumis par le gouvernement et a décidé que le texte soit soumis à référendum.

Si le fait de soumettre un projet de loi à référendum est quelque chose de normal, ce qui est étonnant dans cette procédure togolaise est la précipitation avec laquelle les choses ont été faites. Cela est d’autant plus étonnant que le même pouvoir avait pris onze (11) années pour opérer les réformes qui lui sont demandées et qui sont contenues dans l’APG pourtant signé par le régime en place avec l’opposition. Tables rondes, dialogues, discussions de propositions de lois, mise en place de Commission de réflexions ont émaillé le parcours de mauvaise foi qui a été imposé au Peuple togolais pour cette réforme que pourtant le chef de l’Etat avait clamé urbi et orbi qu’il allait opérer parce qu’il en était le garant.

Dans cette aventure particulière, on aura eu tout et son opposé, le régime affirmant tout et son contraire tout en gardant comme d’habitude très bonne conscience. Les dernières de ces contorsions sont entre autre de deux ordres. D’une part, le pouvoir qui a soutenu que l’APG est caduc revient désormais sur ses affirmations et vient chercher des explications et les soutiens de sa position actuelle dans le même APG. D’autre part, le ministre de l’Administration territoriale Payadowa Boukpessi affirme sur RFI le 19 septembre 2017 que l’avant-projet de loi du gouvernement qui a été adopté par le Conseil des ministres après les manifestations du 19 août et envoyé au Parlement était déjà prêt avant la manifestation du Parti National Panafricain (PNP) le 19 août 2017. Selon lui, c’est simplement le dernier coup d’accélérateur audit texte qui aura été donné après dépôt de son rapport par la Commission de réflexion mise en place par le Chef de l’Etat. Si tel est le cas, il y a un réel problème. En effet, au moment où les manifestations ont commencé le 19 août, la Commission de réflexion était à peine à la moitié de sa tournée. Lorsqu’elle a arrêté cette tournée, elle-même a bien précisé qu’elle suspendait provisoirement ces tournées, ce qui laissait présager qu’elle entendait les reprendre si possible. Alors, si le texte de la révision constitutionnelle était déjà prêt sur la table du président de la République avant la manifestation du 19 août, cela signifie que le chef de l’Etat n’a pas du tout respecté sa propre commission de réflexion dont le travail était cependant censé l’éclairer sur les réformes constitutionnelles à offrir aux Togolais. En clair, pendant que celle-ci parcourait le pays pour aller quérir la lumière nécessaire pour éclairer le chef de l’Etat, le président de la République avait donc déjà son idée des réformes qu’il entendait opérer. Dans ces conditions pourquoi au juste le chef de l’Etat a mis cette fameuse commission en place ?

Ou le ministre a menti, histoire de faire croire que ce n’est pas la pression de la rue qui a obligé le régime à proposer dans la précipitation son texte sur les réformes ? Ou il a dit la vérité et dans ce cas de deux choses l’une : ou le chef de l’Etat a eu un mépris royal pour la Commission de réflexion dont le travail serait ainsi inutile ; ou alors le chef de l’Etat savait déjà ce qu’il allait faire et a mis cette commission en place juste pour perdre du temps au pays et à ses compatriotes et pour prolonger son séjour au pouvoir ainsi que la mise en œuvre d’une limitation des mandats. Dans un cas comme dans l’autre, la position du pouvoir est intenable et dénote de la roublardise, toute situation qui ne peut s’expliquer que par le fait que le pouvoir se fout complètement du Peuple et qu’assuré de l’exclusivité de la force armée et de la violence, il avait entendu défier le Peuple et faire à sa tête. Tout ceci est dommage parce que contraire aux principes cardinaux de la bonne gouvernance.

Sur le Référendum

Mais ce qui nous intéresse aujourd’hui n’est ni la fameuse commission de réflexion ni la façon dont le chef de l’Etat a voulu traiter son bébé. C’est le référendum que voudrait organiser le régime. Quelle est exactement la question qui sera posée au peuple togolais lors de ce référendum ? Sur quoi va précisément déboucher ce référendum ? Le régime prend-il un réel risque dans l’organisation d’un référendum comme cela se passe souvent dans les pays normaux ? Pour répondre à ces interrogations, il faut se poser la question de savoir comment le sujet sera présenté au Peuple et quelle sera la situation après ledit référendum.

A en croire le régime, la question qui sera soumise aux Togolais lors du référendum sur les réformes constitutionnelles consistera en un certain nombre d’articles qu’il sera demandé aux citoyens d’accepter ou pas. Comment sera la question ? Est-ce une question en oui ou non qui consisterait en ceci : acceptez-vous ou pas la révision proposée par le gouvernement ? Ce qui va amener les citoyens à répondre par oui ou par non. Ou alors la question va-t-elle constituer en ceci : acceptez-vous la proposition de réformes faite par le gouvernement ou préférez-vous l’ancienne constitution toilettée en 2002 ? Ou encore poserait-on aux Togolais la question que voici : acceptez vous ou pas la limitation à deux des mandats présidentiels (ou politiques) et le scrutin présidentiel à deux tours ? Ou alors soumettra-t-on simplement le texte du gouvernement en demandant aux Togolais de se prononcer par bulletins portant oui ou non pour ou contre le texte ? Comme on peut le noter, beaucoup d’incertitudes demeurent parce que la situation n’est pas claire.

Mais quel que soit le genre de question qui sera posée au Peuple togolais, un grave problème demeure puisque dans un cas comme dans l’autre le résultat du référendum sera pratiquement du pareil au même.

Qu’adviendra-t-il exactement au lendemain de ce référendum ? En effet, le référendum envisagé actuellement est un véritable piège dans lequel le pouvoir enferme le pays. La réalité qui semble se dessiner est que le régime oblige simplement le Peuple togolais à accepter sa proposition de réforme ou alors à retourner au statut quo, c’est-à-dire à la situation qui est contestée et qui a amené les populations dans la rue. En clair, quelle que soit la réponse à laquelle on va aboutir, le président Faure Gnassingbé est assuré de pouvoir encore briguer deux (2) fois la magistrature suprême ou mieux faire encore deux (2) mandats. Ou le référendum aboutit à l’acceptation de la proposition faite par le gouvernement et le chef de l’Etat actuel va voir ses trois (3) mandats actuels remis à zéro. Il a alors la possibilité de repartir totalement vierge pour les élections de 2020 et de 2025 pour finir en 2030 . Ou alors le Peuple togolais rejette les propositions de réformes faites par le régime et on retournera à la configuration constitutionnelle actuelle qui est contestée. Celle-ci assure au chef de l’Etat les mandats illimités puisque la configuration actuelle de la constitution n’intègre pas de limitation des mandats.

Au vu de ce qui précède, il est clair que le Peuple togolais est pris au piège si rien n’est fait pour changer le schéma actuel. Le référendum que voudrait proposer le président Faure Gnassingbé et son régime serait donc un véritable marché de dupes ou un référendum gagnant/gagnant pour le pouvoir seul.

En prenant les choses comme expliquées ci-dessus, le Peuple togolais ne se verra pas proposer un choix entre deux alternatives différentes. Il lui est proposé de choisir entre une chose et sa pâle copie. Bref c’est un peu le choix entre le pire ou le pire. Puisque le régime sort vainqueur du jeu dans tous les cas de figure. IL GAGNE ou IL GAGNE.

Si le Peuple dit oui aux propositions du régime, le pouvoir gagne puisqu’on est dans une sorte de mandats illimités au pouvoir actuel Faure Gnassingbé pourra alors totaliser en tout au moins cinq (5) mandats c’est-à-dire les trois actuels plus deux futurs. Si les propositions du régime sont rejetées lors dudit référendum, le pouvoir en place gagne encore et gagne plus fort puisqu’il demeure dans l’ancien schéma avec les mandats illimités de façon officielle et flagrante. Le régime est dans une posture très confortable qui se résume pour lui à un jeu de qui perd gagne puisque dans un cas comme dans l’autre il n’est nullement perdant. Il gagne si le « oui » l’emporte lors de ce référendum et il gagne également si le « non » l’emporte.

Nous sommes dans une situation bien précise. Le Peuple togolais et la communauté internationale toute entière ont trouvé que la configuration de notre constitution avec l’absence de limitation de mandats présidentiels est mauvaise et qu’il faut la remplacer. Pour cela, on a signé l’APG pour faire des réformes consensuelles. Après une inertie volontaire du pouvoir qui a prétendu ne pas savoir quelles réformes le Peuple souhaitait, ce Peuple est descendu dans la rue pour demander le retour à la Constitution originelle de 1992. Sur ce, le régime a fait des propositions qui sont tout autant rejetées par la partie du Peuple dans la rue. Face à cette situation, dans tout pays où on respecte la volonté populaire et où on agit avec un minimum de bonne foi, on est obligé de tenir compte de la partie du peuple qui proteste ou qui est dans la rue et on va alors au référendum avec une proposition qui tienne compte de ce que cette partie du peuple revendique. Dans notre cas, cela signifie que le référendum doit proposer un choix entre la position du gouvernement (son projet de loi portant réforme) et ce que souhaitent les contestataires (le retour à la Constitution de 1992).

Or, qu’avons-nous aujourd’hui ? Le gouvernement propose aux Togolais un choix entre d’une part la constitution que la Communauté internationale et le Peuple demandent de modifier parce que non acceptable et d’autre part la proposition du Gouvernement qui est elle aussi rejetée. En fait, si l’on va au référendum dans ce genre de configuration, il s’agira alors pour les Togolais d’opérer un choix référendaire entre le pire et le pire ou le pire et le mauvais. Il s’agira dans ces conditions d’un référendum menace dans lequel le gouvernement dit au Peuple d’accepter ses réformes à lui ou alors de végéter dans ce qui est rejeté et qui a conduit à la proposition de réformes.

La situation dans laquelle se trouve aujourd’hui les Togolais ressemble à s’y méprendre à celle d’un homme à qui on donne le choix entre la mort immédiate ou le coma pour toute son existence. Choisir entre mourir immédiatement et vivre toute sa vie dans le coma n’est pas un choix même si dans le second cas, le comateux peut conserver un infime espoir de se voir renaître à la vie un jour.

Cette posture du gouvernement, si elle se confirme, serait totalement inadmissible. Un référendum offre toujours un choix à un peuple entre deux solutions. Non une absence de choix ou pire une menace. Malheureusement, ce qui se présente actuellement n’est ni plus ni moins qu’une menace qui se décline en ces termes : ou vous acceptez ce que je vous donne même s’il est mauvais ou alors vous allez végéter dans le pire que vous avez connu jusque-là et rejeté.

Le moins que peut faire le gouvernement qui, après avoir rejeté l’APG qualifié de caduc, vient aujourd’hui s’y abriter, c’est de considérer l’idée de consensus qu’il est prompt à revendiquer lui-même aujourd’hui sur la base de cet APG qu’il est plus ou moins contraint de ressusciter pour défendre ses positions et surtout rejeter la demande de retour pur et simple à la Constitution de 1992. Si l’on veut continuer de se référer au consensus qui n’a pas pu être obtenu par les discussions entre gouvernement et opposition, il faut au minimum soumettre au Peuple la position du gouvernement et celle de ceux qui sont dans la rue. Les deux parties n’ayant pas pu aboutir au consensus, si ce sont les urnes qui doivent les départager, il faut que leurs deux (2) positions divergentes soient soumises au Peuple. Il en résulte que le référendum doit offrir au Peuple le choix entre les réformes telles que proposées par le gouvernement et le retour à la Constitution de 1992 que veulent l’opposition et tous ceux qui sont dans la rue. Il s’agit de deux positions qui seront claires et qui permettront un véritable choix du Peuple.

Le gouvernement ayant été contesté dans sa façon de vouloir opérer les réformes, il ne peut pas imposer une situation au Peuple en le présentant comme un référendum. Malheureusement, si rien ne change, c’est ce vers quoi on s’achemine surtout si l’opposition et ceux qui sont dans la contestation n’arrivent pas à faire bouger les choses.

Dans ces conditions, pour ne pas perdre définitivement et revenir à la case départ, d’aucuns diront qu’il vaut mieux accepter la proposition du pouvoir qui permet au moins de voir la limitation des mandats revenir dans la Constitution. Mais alors, pour quels résultats ? Puisque dans tous les cas le chef de l’Etat actuel peut encore rester au pouvoir pendant treize (13) années au moins alors qu’une partie de l’opposition lui demande un départ immédiat ou au moins le départ à la fin de son actuel mandat.

Nous sommes clairement aujourd’hui en face d’une situation où le fait pour l’opposition d’appeler par exemple à un boycott du référendum ne donnera pas un résultat positif pour le Peuple puisque le régime en place s’en foutra éperdument. Tout est bon, l’essentiel étant que le régime reste au pouvoir. Le fait pour les contestataires d’appeler à voter non au référendum ne donnera pas non plus quoi que ce soit de positif au Peuple togolais. Puisque la conséquence sera simplement le renvoi dans les affres de la constitution actuelle avec des mandats présidentiels illimités.

L’opposition qui revendique porter aujourd’hui la voix du Peuple sinon de la majorité ne peut pas non plus se murer dans une position du refus du référendum. Elle sera décriée par le monde entier qui la considérera comme non respectueuse des principes démocratiques. En effet, le référendum seul permet de consulter véritablement le Peuple et de connaître sa position. Bien sûr à condition que la consultation porte sur des positions claires des deux parties opposées et que les résultats des urnes traduisent la réalité de la volonté populaire. Ce qui dans le cas du Togo est loin d’être acquis. Mais cet aspect du problème ne sera pas vu si l’opposition tente de s’opposer au référendum. Elle sera certainement décriée si jamais elle le tentait et le pouvoir saisira l’occasion pour renverser la vapeur et faire croire que ceux qui revendiquent le changement sont des antidémocrates.

D’un autre côté, les Togolais ne peuvent pas compter sur un quelconque soutien de leurs armées et forces de l’ordre, des corps pour la plupart très tribalisés et à qui on fait croire faussement qu’elles doivent tout au régime en place. Elles sont depuis le règne d’Eyadèma essentiellement formées pour soutenir le régime. Les quelques éléments qui sont véritablement républicains dans ces corps sont marginalisés ou n’ont pas la réalité du pouvoir pour pouvoir décider quoi que ce soit et aider le Peuple. Voir les forces armées et de l’ordre togolaises désobéir aux autorités actuelles et refuser de réprimer leurs concitoyens comme c’était le cas au Burkina Faso en 2014 relève sinon de l’utopie du moins d’un rêve loin de la réalité et dans lequel aucun espoir ne peut être placé. Le miracle n’est pas prêt d’arriver au Togo. Or, il est urgent d’agir.

Face à ce qui semble désormais être un dilemme il faut rapidement que l’opposition trouve une solution. Elle ne peut pas simplement rester arc-boutée sur sa position de voir Faure Gnassingbé quitter le pouvoir, position qui, à bien analyser la situation de notre pays aujourd’hui, semble pratiquement irréalisable pour diverses raisons.

Il nous semble que la solution se trouve dans la possibilité pour l’opposition de jouer finement stratégie, de manier la force de la rue et la discussion politique, puisque dans tous les cas la discussion ne pourra pas être refusée. L’opposition devra allier la mobilisation populaire et l’organisation d’une reconnaissance de sa force et de sa crédibilité par la communauté internationale qui doit arriver au constat que cette opposition et tout le camp de la contestation sont désormais incontournables dans le maintien de la paix et de la stabilité politique au Togo qui ne doivent plus être uniquement perçues comme l’apanage du régime et de la force armée. Par delà tout ceci, les forces démocratiques doivent arriver à prendre le taureau par les cornes et accepter ce référendum (si le pouvoir persiste à l’organiser) qu’elles doivent s’approprier en prenant toutes les dispositions pour que certaines choses soient absolument faites :

Premièrement, faire inscrire le retour à la constitution de 1992 dans le même référendum. On aura ainsi la question suivante à soumettre aux populations : êtes-vous pour les propositions de réformes du gouvernement ou le retour pur et simple à la Constitution de 1992 ? Il y aura donc deux (2) bulletins. Un sera consacré aux propositions du gouvernement et l’autre portera le retour à la Constitution de 1992.

Puisque le gouvernement a opté pour un référendum, il faudra le prendre sur son propre terrain en acceptant le référendum et en obligeant le pouvoir à jouer le jeu jusqu’au bout en mettant le retour à la Constitution de 1992 au vote afin que le Peuple se prononce vraiment et dans la transparence. Cette position ne peut pas être simplement et facilement rejetée par le pouvoir en place puisque c’est ce que revendique la partie du Peuple qui est actuellement dans la rue et qui mérite aussi d’être entendu comme les partisans du pouvoir qui eux sont pour les propositions du gouvernement.

Deuxièmement et là intervient justement la transparence, prendre toutes les dispositions pour que ce référendum se passe dans des conditions de transparence les plus totales ou les plus optimales. Les togolais savent tous que le régime est spécialisé dans l’organisation de scrutins qui le donnent gagnant même lorsqu’il est très contesté ou alors que le Peuple le vomit entièrement. Il y a donc lieu de mettre la pression et d’arriver à prendre toutes les dispositions, non pas pour mettre fin aux fraudes (c’est de l’utopie) mais pour les réduire au maximum. Pour ce faire, il faut arriver à avoir des listes électorales fiables et un scrutin un peu plus transparent. Cela conduit à avoir toilettage sérieux des listes électorales, avoir effectivement des gens honnêtes, patriotes et sérieux qui assurent les rôles de vrais représentants dans les bureaux de vote (pas ceux qui sont prompts à quitter les bureaux et à s’en aller ou à vendre leur rôle contre quelque billets de banques), amener la communauté internationale, ONU, Union Africaine, CEDEAO, Francophonie, Union Européenne à aider pour que des observateurs sérieux aussi bien nationaux qu’internationaux suivent ce référendum et tentent d’aider à minimiser les fraudes.

La situation que traverse notre pays aujourd’hui est inédite depuis les années 90. Elle ne doit cependant pas nous amener dans le chaos comme le souhaitent ceux qui ont le monopole de la violence. Il faut éviter le pire.

Pour cela, s’il est possible, il faudrait tout faire pour sortir l’organisation de ce référendum d’entre les mains du régime et soumettre son organisation et sa supervision à des institutions internationales. Bien évidemment le régime objectera rapidement à cette position que le pays n’est pas à terre et qu’au nom de sa souveraineté, il ne peut lui être retiré ce qui est prérogative, c’est-à-dire l’organisation des scrutins. Mais il faut essayer et forcer le destin car le vent est en faveur de ce que veulent les Togolais depuis des années. N’oublions pas que notre pays est aujourd’hui le seul dans la sous-région ouest africaine dans lequel il n’y a pas de limitation de mandats et où même si limitation de mandat il y a demain, le même président pourra encore demeurer au pouvoir pendant des années. Qui ne risque rien n’a rien. A défaut de voir tout le système d’organisation du scrutin retiré au régime et soumis à des instances internationales, au moins on arrivera à la soumettre aux fourches caudines indispensables et aux nécessaires projecteurs pour une organisation qui ne laisse pas les mains libres au régime et une large place aux tricheries habituelles, une organisation qui permette d’assurer une plus grande transparence et une meilleure crédibilité au scrutin. C’est difficile mais pas impossible.

Troisièmement
, s’assurer que le référendum soit organisé dans un délai raisonnable. En effet, l’organisation de ce référendum peut-être une fois encore utilisée par le pouvoir pour jouer les prolongations. Il ne faut pas oublier que chaque jour qui passe permet au régime en place de se pérenniser encore un peu plus et que plus les choses se prolongent plus le régime va être dans son jeu. L’opposition et tous les contestataires actuels doivent donc avoir un œil vigilant sur le chrono.

Tout sera question de stratégie. Notre opposition pourra-telle garder le cap de l’unité et jouer la bonne stratégie ? Manier la rue et la discussion ; la pression populaire et l’organisation du possible référendum ; continuer la mobilisation tout en faisant tout pour rendre enfin crédible et incontournable l’opposition et le mouvement de revendication vis-à-vis de la communauté internationale, et surtout éviter d’échouer cette fois-ci. Là se trouve tout l’enjeu.

En tout état de cause, sans demeurer dans des schémas extrêmes et irréalistes, quelque chose reste jouable si le pouvoir ne propose pas une meilleure solution que ce qu’il a déjà montré jusque là et si l’opposition peut arriver à mettre en place une stratégie efficiente. Des propositions concrètes existent et pourront être analysées.

Enfin, l’essentiel est surtout que chaque camp se rappelle que c’est l’avenir de notre pays qui se joue, qu’il faut que les Togolais se retrouvent ensemble après les joutes et les luttes diverses.

Il faut que l’opposition et les leaders du mouvement de contestation actuel sachent jouer stratégie face aux ruses habituelles du pouvoir ; qu’ils ne soient pas emportés par l’euphorie de la rue ; qu’ils n’essayent pas de vendre des chimères au Peuple et n’oublient pas surtout que dans tout combat il faut toujours des solutions de rechange. Au-delà de tout ceci, il faut savoir tendre la main à l’adversaire quand il le faut et ne jamais le pousser dos au mur. C’est en poussant le Peuple dos au mur que le régime fait face à la fronde actuelle. Il faut donc que l’opposition sache saisir les meilleures solutions le moment venu. Dans le cadre d’un même pays, ces solutions ne sont autres que celles qui donnent l’impression à chaque partie d’avoir gagné ou alors à chacun de n’avoir pas perdu, surtout de n’avoir pas été humilié.

« Prêts pour la Démocratie, la lutte continue »

Jean Yaovi Dégli
Président de « Bâtir le Togo »]