Le 7 avril 2016, les internautes ont été surpris par l’information. Le gouvernement se propose de défiscaliser les terminaux mobiles et autres équipements informatiques. La mesure venait d’être étudiée en conseil des ministres et la ministre des Postes et de l’Economie Numérique la balance sur son compte twitter. Son département est chargé de faire les propositions nécessaires afin que la mesure soit prise en compte dès 2017. L’info emballe et réjouit. Mais, c’est sans se voiler la face ; du chemin reste à faire. Pour comprendre la mesure, ses enjeux et les attentes pour booster les TIC, nous tendons notre micro à un spécialiste des TIC. Agbéko Dogba répond à nos questions en sa qualité de président de l’ESTETIC, Entente des Spécialistes Togolais en Technologie de l’Information et de la Communication.

Agbéko Dogba  président de l’ESTETIC, Entente des Spécialistes Togolais en Technologie de l’Information et de la Communication (ESTETIC).
Agbéko Dogba
Président de l’ESTETIC, Entente des Spécialistes Togolais en Technologie de l’Information et de la Communication

Full-News : le Togo va défiscaliser les terminaux mobiles et autres équipements informatiques destinés aux consommateurs dès 2017. Comment appréciez-vous cette annonce ?

Agbéko Dogba : c’est une information que nous accueillons avec beaucoup d’enthousiasme, favorablement parce qu’il faut rappeler que depuis la formation de notre association ESTETIC, en 2006, nous n’avons eu de cesse de proposer au gouvernement de consacrer la suppression des taxes douanières sur le matériel informatique pour permettre une meilleure pénétration de ces outils, parce que ce sont ces outils là qui vont permettre le développement du pays par les TIC justement. C’est pour cela que nous sommes enthousiastes que le gouvernement commence par comprendre que la voie du développement passe par le développement des inforoutes.

FN : depuis 2016 que vous demandez une telle mesure. Vous dites enfin ?

Au niveau d’ESTETIC nous nous sommes écriés enfin ! Enfin parce que depuis la création d’ESTIC, nous avons inscrit cet objectif dans notre programme et nous avons eu des échanges avec les gouvernements successifs depuis 2016 ; et il y a de cela 4 ans nous avons rencontré notre ministre madame Cina Lawson. Effectivement nous nous sommes dis enfin. Enfin parce que s’il faut citer tous les autres pays qui nous entourent, le Benin, le Ghana et d’autres en Afrique qui ont déjà pris cette mesure; on peut voir comment les TIC sont boostées et comment ça booste l’économie de ces pays.

Parce que le fait que ces pays limitrophes aient pris cette mesure, il y a des opérateurs économiques qui préféraient aller importer le matériel informatique à partir de ces pays ; c’est une situation qui menait à une perte des profits liés à la fiscalité au Togo. Si au lieu d’importer au Togo les opérateurs vont importer dans ces pays parce qu’ils n’avaient pas de taxes à payer, vous imaginez combien le Togo perd en cette matière. Donc nous pouvons dire effectivement enfin, nous prenons de telles mesures qui vont permettre d’obtenir les résultats escomptés dans le domaine de l’éducation notamment, pour avoir de meilleurs résultats, dans le domaine de la santé ; sur l’économie en générale, enfin le Togo va pourvoir prendre les bonnes options pour une émergence.

FN : Et comment s’assurer alors que la mesure va profiter aux consommateurs togolais ? Que doivent-ils attendre d’une telle décision ?

Cette mesure vise à supprimer les taxes sur le cordon douanier sur les terminaux et équipements informatiques destinés aux consommateurs. Il faut donc veiller que le consommateur final profite de cette mesure. Cela doit faire partir des dispositions que le ministère des Postes et de l’économie numérique va devoir prendre ; cela va faire partir des propositions concrètes par rapport aux outils de collecte de la fiscalité et des taxes pour s’assurer qu’effectivement au niveau des consommateurs, on ressente une réduction des coûts au niveau des terminaux mobiles et des outils informatiques.

Parce que, cela ne sert à rien de prendre une telle mesure, si à la fin ce sont les distributeurs ou de tierces personnes qui  s’enrichissent sur le dos de la population.

Ce qui est important à partir de maintenant, c’est la stratégie à mettre en place pour s’assurer de l’effectivité de cette mesure, la veille qu’il faut faire à partir de 2017 une fois que la mesure aura été adoptée.

Nous, en tant qu’ESTETIC nous allons nous rendre disponible pour accompagner cet effort du gouvernement ; nous ne pouvons pas laisser le gouvernement seul faire cette veille pour que cette mesure puisse avoir une incidence au niveau de l’utilisateur final. Ce à quoi l’utilisateur final doit s’attendre, c’est une baisse des coûts des terminaux. Donc, comment faire pour que l’utilisateur final profite de cette mesure, ça fait partie des réflexions qui doivent se faire à partir de maintenant. Et le ministère des Postes et de l’économie numérique doit travailler avec les entités privées, les universités pour trouver les bonnes stratégies pour faire en sorte que cette mesure soit profitable à toutes les populations.

FN : en matière de vulgarisation des TIC, il n’y a pas que la détaxation des outils informatiques. Quelles sont les autres étapes à franchir, selon vous ?

Effectivement, ce n’est un secret pour personne. Les communications sont excessivement chères au Togo comparativement aux autres pays en Afrique et la qualité d’accès à internet est déplorable, Internet est encore bien trop lent au Togo. Beaucoup d’effort doit être consacré. Internet aujourd’hui, ce n’est plus uniquement pour la messagerie électronique. Même s’il y a encore beaucoup de vulgarisation qui doit être faite pour initier les gens. Il y a beaucoup d’applications gourmandes en bande passante. Pour faire en sorte que ces applications soient accessibles aux étudiants, au domaine de la santé et à d’autres domaines d’activités, il faut nécessairement un meilleur niveau d’accès de la connexion internet.

La suppression des taxes douanières doit s’accompagner de mesures pour faire en sorte que l’accès à internet soit beaucoup plus abordable à la population.

Pour aller plus loin, il faut penser à diversifier les points d’accès. A-t-on imaginé si le seul point d’accès que nous avons arrivait à être inaccessible par exemple et le pays coupé d’internet pour faute d’aléas climatiques. Ce sont des situations qui se sont produites dans d’autres pays et vous ne pouvez pas imaginer les conséquences. Ce sont là des réflexions à mener pour multiplier les points d’accès. Il faut une redondance au niveau de l’accès à internet.

Aussi, faut-il supprimer la situation de monopole. Parce que, c’est ce qui explique le coût très élevé de la connexion internet. Il faut que le trafic local puisse rester local. Il y a des technologies pour ça. Il faut penser à la mutualisation des moyens des opérateurs. Il n’y a pas de raison que chaque opérateur qui arrive s’installe avec ses équipements et au finish s’aligne sur l’opérateur existant et rien ne se passe pour la réduction des coûts. Nous pensons au niveau d’ESTETIC que nous sommes une force de propositions ; que le gouvernement a besoin d’un partenariat public-privé pour dénouer tous ces problèmes pour que la population puisse réellement utiliser les technologies de l’information et de la communication dans un but de développement.