Burkina
Une carte du Burkina Faso

Le Burkina a frôlé le pire ce weekend. Avec le renversement de la junte de Damiba par le capitaine Ibrahim Traoré, le pays a failli entrer en confrontation. De justesse, des leaders coutumiers et religieux ont pesé de leur poids pour décanter la situation. Le colonel Paul-Henri Damiba a renoncé à l’idée d’une contre-offensive et a rendu sa démission. Il serait depuis dimanche arrivé à Lomé.

« Nous ne sommes pas venus pour continuer, nous ne sommes pas venus pour un but particulier. Tout ce qui intéresse, lorsque le niveau de sécurité est bien, c’est le combat, c’est le développement du pays », a expliqué le capitaine Ibrahim Traoré, désormais chef d’une nouvelle junte qui a déposé le colonel Damiba, quelques huit mois avoir lui-même renversé le régime de Rock Kaboré. Les raisons évoquées sont toujours la dégradation de la situation sécuritaire, les mêmes pour lesquels le Président Kaboré a été renversé par Damiba.

Dans l’interview accordée à nos confrères de RFI, le chef de la nouvelle junte a indiqué qu’il n’était pas particulièrement intéressé par le pouvoir. S’il a en charge les affaires courantes du pays, il semble vouloir une assise nationale qui désignera celui qui conduira les affaires. Et il fait mine d’ouverture sur le sujet. L’épilogue d’un long week-end de putsch qui a failli dérailler.

Une crise dans la crise évitée de justesse 

Les leaders religieux ont mené une médiation qui a pesé dans la balance. Alors que le Lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba tentait de reprendre le contrôle par une contre-offensive samedi, des représentants des différentes communautés coutumières et religieuses sont entrés en jeu pour lui faire changer d’avis. L’accord trouvé dimanche aux termes de 48 heures de confusion a été arraché sous sept (7) conditions acceptées par les nouveaux putschistes. Le Ltn-colonel Damiba a demandé, entre autres, des garanties sécuritaires et non poursuite des Forces engagées à ses côtés, son gouvernement et lui-même.

Le risque d’escalade a été ainsi évité. Les négociations de dimanche ont été intenses pour désamorcer la crise qui couvait et dont les issues auraient pu être sanguinaires, si des frères d’armes devraient s’affronter.

Confusion, mobilisation populaire et ciblages de la France

Samedi, les Burkinabè se sont réveillés avec de nouveaux coups de feu entendus principalement dans la capitale. Des militaires lourdement armés visibles à plusieurs coins stratégiques. Rapidement, la nouvelle d’une contre-offensive a circulé, puis confirmée par les nouveaux putschistes. Dans leur sortie, les nouveaux putschistes ont insinué que le Ltn.colonel Damiba se serait refugié sur la base française  Kamboinsin pour préparer la reprise en main de la situation. Le communiqué signé du nouveau chef a indiqué que cela fait suite à « la ferme volonté d’aller vers d’autres partenaires prêts à nous aider dans notre lutte contre le terrorisme ».

Les populations ont été donc pris à témoin. La foule n’hésitera pas à manifester pour demander une démission de Damiba. Les drapeaux russes ont vite surgit dans la masse. Aussi, des symboles français au Burkina Faso ont été pris pour cible. L’institut français à Bobo et Ouagadougou, le consulat de France, des stations Total etc ont été vandalisés.

Puis, changement de discours des nouveaux putschistes qui ont appelé à éviter les actes de violences et de vandalisme. Pour eux, l’objectif était la défense de l’intégrité territoriale.

La mobilisation populaire autour des nouveaux putschistes dans la nuit de samedi à dimanche a, elle-aussi certainement, fait éviter le pire. L’armé burkinabè fait alors preuve de retenue pour éviter un bain de sang.

Damiba à Lomé…

Dans son interview sur RFI, le capitaine Ibrahim Traoré n’a pas confirmé l’information. Mais selon des médias, le désormais ex-président de la junte est à Lomé. Si aucune communication officielle n’est encore faite à Lomé connue pour sa discrétion, plusieurs sources proches de la CEDEAO sont citées pour confirmer l’information. Selon le correspondant de RFI au Mali, Serge Daniel sur son compte Twitter « le Président Faure accepte, en le recevant (Damiba), de participer au dénouement de la situation ».

Les bruits de bottes

Vendredi, Ouagadougou s’est réveillée sous le bruit des bottes. La capitale du Burkina Faso a été tirée de son sommeil tôt au petit matin par des coups de feu. La confusion a duré presque toute la journée. La radiotélédiffusion a été le premier des points pris par les putschistes. Il fallait attendre la fin de la journée pour découvrir les visages derrières la manœuvre. Pour la première fois, un nom est confirmé, le capitaine Ibrahim Traoré de la force spéciale Cobra.

Si le dernier putschiste semble ne pas être intéressé par l’exercice du pouvoir, il faudra laisser le temps révéler ses intentions. Pour l’heure, le pays doit trouver une certaine stabilité. La première urgence serait alors le choix d’un président de la transition accepté par tous comme semble l’annoncé le capitaine Traoré. Côté militaire, coudre les déchirures laissées par ce deuxième coup d’Etat en huit mois et mobiliser les moyens pour faire face à la menace sécuritaire. Le ralliement de la hiérarchie militaire aux idées des nouveaux putschistes va-t-il y aider ?

Ben Souleyman