Ignace Sossou
Ignace Sossou à sa sortie de prison. Photo, africaxo.online

Au Bénin, c’est la fin d’une parodie de justice pour Ignace Sossou. Arrêté et incarcéré depuis six mois pour avoir relayé des propos du procureur de la République, Mario Mètonou lors d’une formation organisée par CFI, l’Agence Français de Développement Médias. Le procureur n’a pas eu le courage de se reconnaître dans des propos tenus devant un panel de journalistes et d’activistes.

Ce sera à Ignace Sossou de porter le fardeau d’une déclaration dont l’auteur n’a pas eu la hauteur d’esprit d’en assumer les conséquences. Au début de l’affaire, des maladresses administratives de CFI ont contribué à enfoncer le journaliste. Condamné à 12 mois de prison avec 6 mois de sursis et 200.000 d’amende lors de son procès en appel, Ignace Sossou est libre depuis ce 24 juin 2020. Il avait été condamné dans un premier temps le 24 décembre 2019 à 18 mois de prison fermes et 200.000 d’amende.

« Aujourd’hui je suis un homme libre », a déclaré le journaliste à sa sortie de prison. Pour Internet Sans Frontière, c’est « l’épilogue d’une injustice ». Selon la Directrice exécutive de l’ISF, Julie Owono : « la libération d’Ignace Sossou aurait dû intervenir plus tôt ». A Mme Owono d’ajouter : « ce cas pourrait être le premier d’une longue séries d’atteintes à la liberté de la presse, au nom de la lutte contre les fake news ».

Depuis 2016, des organisations de la société civile dénoncent une régression de la liberté d’expression au Bénin. Dans les médias, Reporter Sans Frontière dénonce la condamnation de « plusieurs journalistes et blogueurs l’adoption, en avril 2018, d’une loi portant code du numérique, dont certaines dispositions répressives entravent la liberté de la presse en criminalisant les délits de presse en ligne ». C’est d’ailleurs sur la base de cette loi que Ignace Sossou a été envoyé en prison. Plusieurs médias ont aussi fermés depuis l’arrivée de Patrice Talon comme président de la République béninoise.

Des lois liberticides

Au cœur de cette affaire, l’Agence Française du Développement Médias s’est félicitée de la libération du journaliste. « Nous déplorons en outre qu’Ignace Sossou n’ait pas été relaxé en appel. Nous sommes solidaires du combat qu’il entend mener pour être pleinement rétabli dans ses droits. L’emprisonnement abusif dont il a été victime souligne l’urgence de mener une réflexion d’ensemble sur les conditions d’exercice du métier de journaliste dans la sous-région, afin que ce qui est arrivé à Ignace puisse servir à la communauté des médias », a déclaré le Directeur général adjoint de CFI, Alan Dréanic.

CFI regrette aussi l’adoption de plusieurs lois liberticides en Afrique de l’Ouest ces derniers temps. « À l’instar du Bénin avec le Code du Numérique, plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest ont voté ces dernières années des lois relatives à la diffusion de fausses informations. Ces lois prévoient la plupart du temps des sanctions pénales allant jusqu’à l’emprisonnement ferme. Appliquées avec rigidité et sans nuances, ces textes peuvent entraîner des atteintes totalement disproportionnées à la liberté d’expression », dénonce l’Agence française dont un courrier avait été utilisé par la justice béninoise pour charger, dans un premier temps, lgnace Sossou.

96è en 2019 au classement mondial de la liberté de place, le Bénin a reculé à la 113è place en 2020.

Justin AMEDE