Au Togo, le taux de pénétration d’internet reste encore inférieur à 10%. Même si on pourrait croire que de plus en plus de personnes utilisent Internet au Togo. L’un des meilleurs usages, c’est la présence sur les réseaux sociaux. Mais là encore, « les internautes togolais font un usage minimaliste des réseaux sociaux », soutient notre invité TECH de la semaine. Guillaume Djondo n’est plus a présenté pour les habitués du web au Togo. Il nous livre ici son analyse sur les éventuelles opportunités qu’Internet pourrait offrir dans un pays comme le Togo. S’inspirant de son expérience personnelle, il touche du doigts certaines réalités dans le secteur chez nous.
Full-news: M. Guillaume Djondo, bonjour. Au Togo, vous êtes l’un des plus actifs sur le net; les réseaux sociaux. Connu et suivi par bien d’internautes. Comment avez-vous réussi à construire cette réputation sur le web ?
Guillaume Djondo : Bonjour. Tout est parti de mon intérêt pour l’émergence du concept de Web 2.0 qui permet l’échange et le partage, en toute liberté, des avis et des idées via Internet. J’ai découvert en un laps de temps combien ce formidable canal pouvait permettre de véhiculer des messages, partager des opinions, apprendre des autres et surtout pouvait faire susciter de l’intérêt pour une marque ou un produit.
J’ai fait des recherches et je me suis rendu compte que le web pouvait aussi bien nuire que célébrer. Qu’il s’agisse d’une soirée entre copain relatée, d’un CV en ligne, de photos, de vidéos ou encore d’avis déposés sur des forums, tous ces contenus contribuent à une réputation sur internet. Ces données servent de vitrine, alors je me suis dit mieux vaut qu’elles me ressemblent et véhiculent un message positif. J’ai pensé à des recruteurs potentiels et combien ils pouvaient s’appuyer sur ces formidables outils pour me jauger. J’ai fait un état des lieux en évaluant ma e-réputation via une recherche de mon nom et prénom sur Google. J’ai alors commencé à créer mon réseau professionnel en ligne. J’ai décidé donc de me positionner d’abord à travers mon blog en publiant mes propres contenus sur les réseaux sociaux, ensuite sur des sujets brûlants d’actualités qui engagent la vie de ma communauté ; J’ai commencé à gérer mes paramètres de confidentialité notamment sur Facebook parce que je voulais classer mes « amis » en fonction des liens que j’ai avec eux, (l’idée c’était d’examiner toutes les publications dans lesquelles mes amis m’identifient avant qu’elles n’apparaissent sur mon journal) ; puis j’ai segmenté mes publications en fonction du réseau social que j’utilisais. Je me comportais comme dans la vraie vie où on ne raconte pas ses soirées entre amis à un potentiel recruteur… A partir de ce principe, je considérais « Facebook comme mon domicile, Twitter comme une place publique et Linkedln comme mon bureau ». Enfin, j’ai laissé le temps faire le reste…
Du blogueur au social média manager que vous êtes, quelle appréciation faites, vous de manière générale, de l’usage des réseaux sociaux au Togo ?
C’est peut-être une affirmation gratuite mais aujourd’hui 80 % d’internautes togolais font un usage minimaliste des réseaux sociaux.
Et aussi d’internet… L’usage que cette proportion en fait se limite au partage de liens d’actualité, au partage de blagues, à des publications sur leurs murs, à la publication d’une photo ou encore à la mise en ligne d’une vidéo drôle ou pas.
Les réseaux sociaux constituent aujourd’hui un puissant moteur pour faire des affaires ou entreprendre. C’est la découverte de cette autre facette qui m’a fait passer de blogueur à Social Media Manager.
Au Togo, de nouveaux métiers liés au numérique et au digital émergent. Ces métiers comme le Social Média Manager ont-ils un réel avenir ? Pourquoi ?
Dans l’absolu, je dis oui. Les métiers du web tel que le Social Media Manager sont un potentiel en devenir. Pour la simple raison qu’aucune entreprise, marque ou produit ne peut évoluer ou innover aujourd’hui sans frôler un peu le secteur du numérique. Il faut au minimum avoir une présence en ligne pour savoir ce que font les concurrents. Et qui dit présence en ligne parle de production de contenu pertinent, de ligne éditoriale, de référencement, de fidélisation des clients, etc… Et c’est bien à ce niveau qu’intervient le Social Media Manager.
Face aux multiples défis à l’ère du tout numérique, pensez-vous qu’au Togo, les réseaux sociaux en particulier, les TIC en général pourraient donc être dans une certaine mesure une solution aux problèmes de l’emploi, de l’éducation et de la santé par exemple ? Si oui, de quelle manière ?
On m’a appris au CE1 A à l’école RABELAIS de Sokodé que le développement d’un pays repose sur trois piliers : l’Agriculture, le Commerce et l’Industrie. Ce n’est donc que les activités liées à ces trois piliers qui peuvent engloutir le problème de chômage.
Tout comme l’entrepreneuriat qu’on nous vend moins cher comme palliatif au chômage, je pense que les TIC ne peuvent pas noyer à elles seules le nombre grandissant de chômeur au Togo, les réseaux sociaux encore moins. Tout le monde ne peut être geek. Tout le monde ne peut être bon en communication. Tout le monde ne peut bidouiller des gadgets. Mais tout le monde peut travailler. C’est peut-être une bêtise que je vais dire à la suite de ceci mais c’est ce que je pense : les TIC ne sont pas une entreprise ou une industrie pour employer des gens. Mais elles peuvent y contribuer en facilitant les processus et méthodes.
L’Afrique subit des mutations violentes et brusques depuis qu’internet est arrivé sur le continent. Ailleurs, le secteur de l’internet est l’un des secteurs des TIC le plus rentable en matière de création d’emplois. Parce que le niveau de connectivité est très élevé.
Toutes les entreprises subissent aisément un profond changement tendant à insérer l’usage des TIC dans leurs façons de procéder. C’est de là que vient l’ouverture pour les nouveaux métiers du web comme Développeur web, Producteur de contenu, Expert en référencement, Community manager, Webdesigners, Social Media Manager, Analystes de données, etc…
Les facilités octroyées à notre génération sont infinies. Nous sommes de plus en plus nombreux à pousser notre curiosité sur comment fonctionne l’univers du numérique et les réelles opportunités qui s’offrent à nous.
Et ceci par contrainte et non par choix parce que nous n’avons ni assez d’entreprises agricoles, ni assez d’industries pour y travailler. Face à cette situation, il va de soi que nous serons nombreux à nous reconvertir avec le temps en préférant les métiers du web aux métiers classiques qui existaient bien avant nous. Mais il faudra beaucoup de temps et beaucoup de moyens pour y arriver car les expertises sont moins présentes et la fluidité de la connexion en est un grand obstacle.
Il faudra donc déjà penser à incorporer ces types de formation dans les programmes scolaires et universitaires. Cela résoudra en partie le problème de l’inadéquation formation-emploi que nous avons aujourd’hui. Heureusement, les MOOC (Massive Open Online Courses), ces formations massives en ligne ouvertes à tous, nous permettent d’actualiser nos connaissances depuis nos maisons, cybercafés ou bureaux en attendant les actions de nos gouvernants dans ce sens.
J’en profite pour faire un clin d’œil à ces start-ups comme Woelab et KekeliLab qui commencent à introduire l’usage des TIC dans le quotidien des enfants.
La culture du web n’est donc pas acquise au Togo, même si de plus en plus, on constate que les lignes bougent. Pour vous, quels sont aujourd’hui les grands défis de ce secteur, pour faire des TIC de réels outils de développement ?
Je crois que l’un des grands défis est d’instaurer l’éducation et la culture du numérique mais ceci doit passer par l’accessibilité des matériels informatiques, la fluidité et la réduction de la cherté de la connexion internet, la mise en place de hubs technologiques pour asseoir des produits et des modèles adaptés à notre communauté.
Si par un clic, il vous était donné de faire du Togo un pays émergent grâce au TIC, par quoi commenceriez-vous ? Une anecdote ?
Insérer l’éducation au numérique dans tous les programmes et manuels scolaires. Réunir les acteurs du numérique qui existent aujourd’hui. Ecouter leurs préoccupations, prendre en compte leurs doléances. Lancer un appel à des projets innovants en m’appuyant sur les ressources locales déjà existantes.
Chaque fois que je suis en costume cravate et que je me retrouve avec des acteurs du numérique à un forum, on m’appelle Monsieur le Ministre, Excellence vous êtes élégants, votre Souveraineté, etc… Je me dis que c’est peut-être les voies impénétrables de l’Eternel qui se font entendre comme ça. Qui sait ! Un jour, vous pourriez, en allumant votre écran plasma, découvrir au journal de 20h ma grosse tête affichée comme quoi je suis le nouveau Ministre des postes et de l’économie numérique. Enfin, si d’ici là le poste est vacant.
Biographie de l’Invité :
Guillaume Djondo est, avant tout, juriste de formation. Il a un Master en passation et gestion des marchés publics. Pendant ses études de Droit il se laisse séduire par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Les métiers du numérique le passionnent car, cela représente l’un des leviers du développement sur le continent Africain.
Pour nourrir ses ambitions dans le numérique, il s’est formé grâce aux moocs pour devenir Social Media Manager et Experts sur les stratégies du numérique avec Google, Rue89 et Orange. Ce qui le fait totalement vibrer, c’est la littérature, sa passion. C’est de là que lui est venue l’envie de bloguer. Sur son blog, guillaumedjondo.com il développe des sujets liés au numérique, et sur son blog La Plume Parlante, il dit de lui-même qu’il « allume son cerveau pour faire de ce blog une plateforme d’aveu de ses opinions ». D’ailleurs, grâce à son blog, Guillaume a été élu meilleur blogueur Togolais de l’année 2016 pour ses textes poignants et pertinents.